Hygiène, fraudes et inspection sanitaire

 

Dés sa naissance, sans aucun doute, le commerce engendra la fraude : des viticulteurs gaulois avisés de la Narbonnaise contrefaisaient adroitement les marques de négociants campaniens et paraient ainsi leurs piquettes du prestige des meilleurs crus italiens.
Le Moyen-Age connut lui aussi ses fraudeurs : les produits de la glyptique antique et tout particulièrement les " grylles ", ces figures grotesques composes d'une tête et d'une paire de jambes sulptées dans des camées étaient imités à la perfection par des artisans joailliers. Les tapissiers "sarrazinois" cités par le Prévôt Etienne Boileau, imitaient au vu et su de tous les fleurons de la tapisserie arabe.

Boulangerie


Les "regrattiers" mouillaient quelquefois leur lait, à leurs risques et périls... Les boulangers eux-mêmes n'étaient pas toujours très délicats : en 1316 tandis que la disette sévissait, seize artisans furent condamnés au pilori puis au bannissement du Royaume pour avoir mêlé des ordures à leurs farines ...

Les bouchers de Paris ou d'autres villes recouraient quelquefois à des pratiques qui pouvaient porter préjudice à la santé des consommateurs, formellement interdites par les Ordonnances royales ou par les règlements des Communautés.

Le respect des bonnes coutumes était l'une des attributions du Maître Chef et des Jurés de la Grande Boucherie, en l'absence de tout service sanitaire officiel.
Les Inspections des tueries ou des étals semblent avoir été fréquentes, voire systématiques. Tous les bouchers étant installés dans un espace restreint : il était difficile un contrevenant de ne pas être trahi par un voisin jaloux ou craignant de devoir acquitter la taxe de non dénonciation ...


Bien évidemment les inspecteurs ne pouvaient durant leur travail faire appel à des notions de microbiologie ou de parasitologie. Pas plus que les médecins de l'époque, ils ne savaient que les asticots étaient pondus par les mouches et pensaient qu'ils naissaient par génération spontanée. Ils étaient bien incapables de relier le ténia, grand ver parasite de l'intestin de l'homme, aux petits grains blancs dans la viande bovine, ses formes larvaires.

Cependant, si nos ancêtres du Moyen-Age ignoraient tout des agents infectieux, ils possédaient quelques idées sur le caractère nocif de certaines denrées, idées quelquefois entachées de considérations religieuses, superstitieuses. Ou de conclusions hatives : si une épidémie de rougeole s'abat sur la France en 1411 et qu'une épizootie de clavelée ravage au même moment les troupeaux de moutons, avec des rougeurs comme symptômes communs, c'est que la maladie peut passer de l'homme à l'animal.

Ils avaient pu constater que certaines affections de l'animal pouvaient se transmettre à l'homme et que des mauvaises pratiques ou des erreurs de travail pouvaient faire rapidement "tourner" les viandes.

Le Prévôt de Paris interdira aux charcutiers de vendre "chair cuite, soit qu'elle soit en saucisses ou autrement, qui soit puante ou infectée, et non digne de manger à corps humain." "Que chascun charcutier cuise les chairs qu'il cuira en vaisseaux [récipients] nets et bien écurés; et couvre les chairs, quant elles seront cuites, de nappes et linge blanc qui n'ait à rien servi depuis qu'il a été blanchi."

"Nul cuisinier, ne paticier, ne pourront tuer ne faire tuer nulle bestes, fors cochon de lait, pour ce qu'ilz ne sont pas cognoisseuans de maladies qui sont ès betes" ( Henry VI de France et d'Angleterre 1425, boucherie d'Evreux).

Inspection ante mortem

Les animaux devaient arriver sur leurs pieds jusqu'au lieu de l'abattage et de la découpe : ceci permettait d'empècher que des bouchers malhonnètes tuent discrètement des bêtes malades, voire qu'ils saignent une bête morte et ne les apportent ensuite à la découpe. Les animaux destinés à l'abattage devaient être en parfaite santé ; à plus forte raison la préparation de viandes cadavériques était prohibée : "nul bouchier ne pourra admener chars mortes pour escorchier ne vendre, ne aussi tuer aucune bête malade qui ne menguent [mangent] point qui ne soient voues par les jurez avant qu'ils les tuent" (Statuts de la Boucherie de Sainte-Geneviève 1381). " Que nul bouchier ne soit si hardy de vendre chars à la porte, se elle n' a été vue estre vive de deux ou trois hommes qui le tesmoigneront par un serment convenable et souffisant, et non pourtant ne la povant-ils vendre tant que les Juréz l'aient veue et instituée à bonne" ( Le Mans, statuts de 1317).

Comme aujourd'hui, les personnes chargées de faire respecter l'hygiène alimentaire pouvaient décider de laisser consommer ou non un animal malade, en appréciant le risque pour le consommateur : "l'an de grace l305 […] fut arse [brûlée] une vache qui fut condampnée par les jurés et par le maire [...] pour ce que la dite vache n'estait pas souffisant et qu'elle avait été IIII jours en son hostel, que les piez ne pouvaient porter le cors ... "Une exception notable : les porcs nourris avec les résidus de boulangerie, car ils étaient obèses. Ils pouvaient donc être amenés en chariot. Mais ces animaux, qui permettent aux boulangers de gagner correctement leur vie, étaient moins recherchés que les porcs de banlieue ou de province nourris aux fruits des bois.

Une mention toute particulière était faite des bestiaux atteints du fil encore appellé fy ou loup, transmissible à l'être humain. A Sainte-Geneviève '"Nul boucher ne pourra tuer char pour vendre qui ait le fil sur peine d'être arses devant son huys, gectée aus champs ou en la rivière et de payer l'amende ". Même prescription à Pontoise en 1403 "que toutes bêtes aumailles gouteuzes, mortes de loup ou fy courant ne doivent astre vendues en la dicte boucherie". Cette maladie est mal identifiée, mais on peut raisonnablement penser qu'il s'agissait de la tuberculose. Toute bête simplement suspecte étant détruite, ceci montre que les bouchers du Moyen Age étaient plus radicaux que nos services sanitaires actuels puisque, au début du XXème siècle, on assainissait certaines viandes en les cuisant à l'autoclave et que, actuellement, toutes les formes de tuberculose n'entrainent pas une saisie totale.


Du fait de son caractère de commensal de l'être humain, et de ses moeurs alimentaires assez répugnantes, le cochon semble avoir été soupçonné d'être à l'origine de maladies variées : "Nul bouchier […] ne pourra tuer char de porc qui ait est nourris en maison de huillier, de barbier, ne de maladrerie sur peine estre gectées aus champ ou en la rivière et de payer l'Amende (Sainte-Geneviève).

Nous avouons ne pas comprendre l'ostracisme frappant les pourceaux élevés par les huiliers : leur chair était-elle désagréablement parfumée par les résidus da pression des amandes, des olives ou autres oléagineux ? Etait-elle huileuse ? L'interdiction d'abattre des pourceaux vendus par des barbiers se comprend plus facilement : ces artisans soignaient des malades, effectuaient des saignées ou des amputations. L'horreur de l'anthropophagie, par cochon interposé, s'alliait à l'hygiène dans l'esprit des législateurs.

L' interdiction frappant les cochons nourris en maladrerie pose un problème. Peut-être voulait-on éviter tout contact entre individus sains et lépreux? La claustration des malades dans les léproseries ou "maladreries" n'avait pas d'autre but. On confondait également sous le même vocable la "ladrerie" ou cysticercose porcine, affection parasitaire due à un ténia dépistée par les languiers et la "ladrerie" humaine, la lèpre infectieuse, quelquefois caractérisée par des formes noduleuses. Cette hypothèse est confirmée par la lecture du "traité de Police", de Nicolas de La Mare et par divers textes antérieurs. Sous le règne de Charles VI, des "langoyeurs" institues par le Maître Chef se chargèrent d'inspecter les porcs pour dépister la ladrerie. En 1517, on marquait les porcs ladres à l'oreille, et leur viande était "assainie" par quarante jours de salage, temps suffisant pour tuer les parasites. " Les porcs dont les chairs ne sont encore que sursemées de quelques grains de ladrerie peuvent être ramendez. Si les chairs ne sont pas encore corrompues, le sel peut en corriger la malignité, on peut ensuite en user sans péril. La chair de porc sursemée sera mise au sel pendant quarante jours puis vendue dans un coin particulier des Halles, [marqué] par un poteau et un drapeau blanc" ( in traité de police de Delamare, 1729). De nos jours, on serait plutôt tenté de recourir à la congélation, s'il n'y a pas trop de kystes répugnants.

Les porcs les plus atteints étaient amputés d'une oreille et leur viande n'était pas destinée à la vente en boucherie. Elle devait être ruée en Seine, mais sous Louis XI, on la juge assez bonne pour les prisonniers du Châtelet. Ou bien, on pouvait la donner aux lèpreux, puisqu'ils étaient déjà infectés.

La viande des femelles en activité sexuelle n'était pas utilisée.
"Sa il y a quelque vache qui requière le toreau ou qui y ait esté de nouvel, ou qui ait de nouvel veellé [...] une truie qui est en ruit ou qui a nouveau cochonné il esconvient qu'elle soit résidiée de 3 sepmaines et 3 jours avant qu'elle soit disirée de vendre" (Pontoise 1403). Sans doute les considérations hygiéniques (risque de microbisme post-partum) ne pesaient-elles pas lourd devant le dégoût de la sexualité.

Les animaux trop jeunes n' étaient pas abattus : "nul bouchier ne pourra tuer ne vendre char de lait, se elle n'a plus de 15 jours" (Sainte-Geneviève).

"Le veau ne doit étre vendu en ladicte Boucherie se il ne a XVII jours frans, et si ne doit estre plus hault de une nuit en sa pel et n'en doit on oster quelque membre jusques a se que la pel en soit toute hors" (Pontoise). Ce dernier article démontre que les bouchers savaient qu'il était dangereux de laisser les chairs en contact prolongé avec les peaux, souillées de diverses déjections. Tant pour faciliter la conservation de la viande que pour éviter les intoxications.

 


Tacuinum sanitatis, viande de caprins

 

Cependant certaines gravures, en particulier celles du "Tacuinum sanitatis" de l'arabe Albucasis, représentaient des chèvres non écorchées au contact de cuissots dépouillés.
Il n'y avait pas, en l'espéce, deux poids et deux mesures ; ce procédé critiquable répondait à un souci d'honnèteté : le chaland pouvait ainsi différencier la viande ovine de la viande caprine, tellement plus appréciée... Pour mémoire, le mot boucher dériverait du mot "bouc".
Diverses ordonnances entérinaient ces usages à Carcassonne, Meulan, Evreux, Noyon... "Se les bouchiers […] tuent boucs ou chievres pour vendre ils seront tenus de laisser le pel sur l'estal en vendant la chair".

Dans le Nord de la France, la chèvre n'avait pas mauvaise réputation. Il n'en allait pas de même dans le Midi : les statuts de Mirepoix, dûment validés par le seigneur Jean de Lévis et par les consuls de la ville, en présence des bouchers locaux, interdisent la viande de caprins agés de plus d'un an. Diverses raisons expliquent cet ostracisme : moeurs sexuelles débridées des caprins adultes, alors que le chevreau est innocent donc consommable? Troupeau caprin destiné essentiellement à la fromagerie? Risque de contamination de l'homme par la fièvre caprine, c'est à dire la Brucellose, très fréquente dans le bassin méditerrannéen?

 

 

Tacuinum sanitatis, animaux castrés

 

Inspection post mortem

Nous n' avons pas trouvé trace, ni dans les textes parisiens ni dans l'iconographie, du soufflage des carcasses pour en faciliter le dépouillement : on perce un trou dans la peau , on introduit un chalumeau et on souffle pour séparer la peau de la masse musculaire. La technique n'était pas autorisée à Paris : "le 15 juillet 1451, le maire [de la GBP] est saisi d'une plainte des jurés contre les vendeurs de Jacques Haussecul, Jean Dauvergne, Jean Thibert, etc. qui avaient débité des viandes soufflées à la bouche ; le 11avril 1456, la cour revient sur cette affaire et sur d'autres qui font l'objet de plaintes continues; elle convoque les propriétaires et les vendeurs pour les admonester de ne pas souffler ni piquer les veaux et les moutons, de ne rien mettre sur les rognons pour les faire enfler, de ne pas médire de quiconque, de ne rien se jeter à la tête l'un de l'autre, etc. " Des textes du Midi de la France connaissaient et interdisaient formellement également cette pratique, jugée répugnante. On considérait que le souffle d'un éventuel malade pouvait être une source de contagion. Finalement les textes législatifs de la Renaissance acceptèrent cette pratique, sous réserve que le boucher utilise un soufflet.

Le soufflage des chairs ou "bouffage" était fort répandu et rigoureusement prohibé '."Se aucun bouchier est trouvé avoir aucune char soufféle au chalumeau ou emplie de vent de corps de créature... "(Ste Geneviève). Ce procédé qui n'a plus de nos jours qu'un intérêt folklorique était très usité au Moyen Age car les viandes n'étaient pas vendues au poids mais à la pièce. La balance représentée sur certaines enluminures n'a qu'une fonction décorative.
Les bouchers indélicats donnaient ainsi un aspect rebondi des morceaux de second choix. Ils utilisaient aussi des produits pour faire enfler les rognons, mais nous ne savons pas lesquels. .


Enfin, à une époque où la graisse était très recherchée, tant pour l'alimentation que pour des usages non alimentaires, ils n'hésitaient pas à "farder" leurs chairs, en violation des usages : " ...toutes les bestes devant dictes ne doivent estre piquées, soufflées, ne fardées c'est assavoir que on n'y doit mettre aucun parement que de leur gresse même comme de leur roignon et de leur coulle et iller [intestin] et de telle gresse comme ilz ont autour eulx… " (Pontoise) .

Les jurés ne méconnaissaient pas la maturation des viandes, absolument nécessaire à son attendrissement : "On ne pourra […] exposer nulles chars chaudes et nouvelles tuées jusques à ce qu'elles soient refroidies bien…" (Henry VI, roi de France et d'Angleterre, 1426, boucherie d'Evreux).
Il fallait plutôt craindre la trop grande maturation ou la putréfaction des viandes, puisqu'il n'existait aucune méthode correcte de longue conservation des aliments, si ce n'était le salage et l'entreposage dans des pièces fraîches, parcourues par des courants d'air perpétuels. Ceci étant, les bouchers pouvaient et devaient ajuster la quantité de bêtes abattues aux consommations estimées.
A Saint-Médard, nul boucher ne pouvait "ne par lui ne par autre tuer char, quelle que elle soit, au jour dont l'en ne mengera point de char l'endemain..." Idem à Sainte geneviève.
Il était aussi interdit de tuer des animaux dans les derniers jours du Charnage et à plus forte raison dans le Carème, sauf pour les malades.
Le Prévôt ordonna en 1391 de brûler "toute char fresche [non salée] gardée du jeudi au dimenche et tout rost aussi gardé…" Au total, il semble que les viandes devaient être consommées dans les deux jours suivant l'abattage. Donc, la légende d'un cuisinier du Moyen Age camouflant l'odeur des viandes putrides sous une tonne d'épices est totalement controuvée...

Nous ne saurons malheureusement jamais de quelle façon se comportaient les artisans de la Porte lorsqu'ils découvraient un kyste hépatique, un abcés pulmonaire ou des arthrites non décelées à l'inspection ante mortem.
Paraient-ils largement la pièce de découpe surtout lorsque l'aspect des lésions était trop répugnant ? Se contentaient-ils d'ôter les formations suspectes et maquillaient-ils les défauts de leurs viandes ?
II semble que ce fut parfois le cas, car le Prévôt de Paris dut leur interdire de laisser brûler des chandelles autour des étaux aprés sept ou huit heures, selon la saison : les bouchers "presque tout au long du jour avoient et tenoient grands foisons de chandelles allumées en chascuns leurs étaux. Par quoi leurs chairs, qui étoient moins loyales et marchandes, jaunes, corrompues et flétries, sembloient aux acheteurs très blanches et fraîches sous la lueur d'icelles chandelles." Le travail de nuit était interdit à tous les métiers, sauf exception : par exemple les armuriers, pour une commande urgente et vitale....


Ainsi, les autorités réclamaient des bouchers qu'ils vendissent "de bonnes chars et loiaux et marchandes". Ce n'était pas toujours le cas mais, comme aujourd'hui dans les pays ou les classes sociales défavorisés, les chalands se souciaient souvent plus de manger que de la qualité de la nourriture.

Il semble que dans certaines villes du Midi, les animaux malades ou accidentés étaient interdits de commercialisation dans le circuit des boucheries traditionnelles, mais qu'elles pouvaient être vendues dans des boucheries de deuxième rang. Dès lors, il y avait un marché à deux vitesse : les gens aisés pouvaient faire acheter de la viande réputée saine au "mazel" et les pauvres se rendaient à la "bocaria" pour acheter de la viande malsaine, en toute connaissance de cause.

 

 

 

Les ordures, boues et effluents

Au terme de ce chapitre consacré à l'inspection sanitaire nous désirons évoquer le délicat problème des effluents. Nous avions rappelé dans le premier chapitre la déplorable situation dans laquelle se trouvait Paris au Moyen-Age : aucun égout digne de ce nom, des rues boueuses remplies d'immondices, des puits contaminés par des fosses à déjections à l'étanchéité sciemment déficiente. Sciemment, car la vidange d'une fosse par les Maîtres "Fy Fy " coûtait cher au propriétaire, alors que si l'on disjoignait discrètement quelques moellons de maçonnerie, on pouvait espacer les curages…


"Chacun laisse boues fientes et ordures devant son huis, au grand grief des créatures humaines" (Ordonnance de 1388). La situation était des plus catastrophique encore près des tueries et des boucheries : les urines, les fientes, le sang des bêtes écorchées, le contenu des viscères, les sérosités empruntaient des rigoles creusées dans le sol des ateliers, coulaient dans les rues et stagnaient dans les caniveaux. Les bouchers de Sainte-Geneviève eurent à soutenir les attaques de l'Université qui réclama, longtemps en vain, le respect de la loi : les ordures devaient être transportées hors de la capitale et répandues dans des champs, loin des cours d'eaux ou des voiries. Une ordonnance royale, en 1353, dut interdire le rejet des immondices sur la voie publique et le comblement des fosses : "Nul ne pourra avoir ezvier ne agout par lequel il puisse laissier couler sang […] ne autre punaisie se ce n'est eaue qui ne sente aucune corruption. "
"Nul bouchier ne pourra avoir ne tenir fosse, et celles qui a présent sont, seront emplies dedans la mi août prochain venant, aux dépens et frais de seulz qui les ont ... "
En 1366 un arrêt du Parlement constatant l'inefficacité de ces mesures exila les bouchers de Sainte-Geneviève en dehors de Paris : "Seront tenuz de tuer […] sanz laissier aller ne getter les ordures de leurs escorcheries, excepté que les fanz et laveures qui pevent passer par uns plataine de fer [trémie] percée tros mesnuz du gros d'un petit doigt d'un homme ..."

 

 

Les bouchers d'Amiens connurent les mêmes difficultés en 1281 (ordonnance du 1er avril) : " Il est interdit aux bouchers d'écorcher leurs moutons, veaux, agneaux, pourceaux et autres menus bétails dans leurs maisons ou devant leurs étals, car le sang, les boyaux et la fiente des entrailles de ceux-ci sont jetés et coulent depuis leurs maisons et leurs étaux dans la rue ce qui corrompt l'air, rend malade les hommes, et fait souffrir les passants à cause de cette abomination. Il est donc ordonné aux bouchers de tuer les animaux à l'écorcherie. Ils pourront toutefois tuer des animaux chez eux à condition qu'ils recueillent le sang et les ordures dans des récipients qu'ils iront ensuite porter à l'écorcherie "..

Leurs collègues du Châtelet ne subirent pas le même sort car ils étaient installés dans une enclave industrielle dont tous les habitants tiraient leurs revenus du travail de la viande et des cuirs : bouchers, écorcheurs, tanneurs, tripiers ... Ils purent dont, à loisir, empuantir le voisinage et souiller les rives de Seine en amont du Louvre. L'abolition de la Communauté en 1416 devait s'accompagner d'un transfert de la tuerie dans un terrain de l'Ouest parisien "prés ou environ des Tuileries Saint-Honoré qui sont sur ladicte riviére de Seine, oultre les fossez du chasteau de bois du Lovre".
Cette excellente mesure fut hélas rapportée "et l'eaue de la riviére de Seine [resta] corrompue et infecte par le sang et autres immondices desdites bestes qui descendait et que l'en gectoit en ladite rivière de Seine ..."

 

Peut être les autorités parisiennes auraient elles pu s'inspirer d'une mesure radicale des échevins d'Amiens en 1413 : " Tout animal découvert en train de divaguer, sera amputé d'une patte la première fois, d'une seconde patte en cas de récidive puis livré au bourreau si le propriétaire n'a pas encore compris. "

Mesure jamais appliquée ; en 1454 il faudra rappeler : " Parce que plusieurs inconvénients peuvent naître à cause du fait que plusieurs personnes demeurant en la dite ville entre les quatre portes, nourrissent des pourceaux dans leur maison, celliers, ou d'autres lieux et que ces bêtes sont sales, corrompent l'air à cause de leurs odeurs, ce qui pourrait rendre dangereusement malade des gens, ces messieurs de la ville ont fait crier et ordonner que personne ne nourrisse des pourceaux entre les quatre portes de la dite ville. "


Précisons toutefois, à 1'intention des beaux esprits et persifleurs, prompts se moquer de nos lointains ancètres que l'on ne cessa qu'en 1849 d'épandre les ordures à Montfaucon et que la capitale ne fut dotée qu'en 1894 d'un réseau de tout-à-l'égout au terme d'une bataille épique ou s'illustrèrent médecins et ingénieurs des Ponts et Chaussées...


éxécution de la truie de Falaise

La fameuse truie de Falaise. Elle fut condamnée à mort pour avoir dévoré un jeune enfant.