Les émeutes sous la régence des oncles de Charles VI

La reconquête du Royaume sur l'anglais avait imposé une profonde réforme de la fiscalité. Aux anciennes redevances féodales telle que le paiement de la rançon d'un suzerain prisonnier (celle de Jean II le Bon par exemple) s'étaient ajoutées des impositions qui d'exceptionnelles devinrent permanentes.

La chose était si neuve que Charles V avait sur son lit de mort, pour soulager sa conscience, ordonné l'abolition de certains impôts.

Le peuple qui avait espéré la suppression de tous les impôts se souleva lorsque les régents essayèrent de percevoir les taxes. Les Rouennais massacrèrent les percepteurs au cri de "haro", d'où le nom de "Harelle" qui désigna leur soulèvement.

 

 

Le premier mars 1382 tandis que le roi et ses oncles se mettaient en route pour la Normandie, les Parisiens se révoltèrent à leur tour.
Un banal incident avait suffi pour mettre le feu aux poudres : un fermier du fisc avait voulu saisir les marchandises d'une vendeuse de cresson qui ne voulait ou ne pouvait payer la taxe. Les chalands secoururent la marchande et massacrèrent le percepteur, excellente coutume qu'il conviendrait de remettre en vigueur.

Une foule se forma rapidement et se rendit à l'Hôtel de Ville pour y prendre des maillets plombés destinés à la défense de Paris contre les envahisseurs. Très vite, les "Maillets" parmi lesquels se distinguaient les bouchers de la Porte commirent l'erreur de libérer les prisonniers. Les vagabonds et les larrons débordèrent leurs libérateurs et se ruèrent au pillage ; l'émeute se transforma en chasse aux riches. Des hôtels furent dévastés et incendiés. Trente meurtres furent perpétrés dont ceux de seize juifs, victimes de leur réputation d'usurier.

Aussi, selon un ambassadeur italien, " le peuple gras c'est-à-dire les bons citoyens qui s'appellent bourgeois craignant que ledit même peuple […] ne les pille aussi s'armèrent et se montrèrent si forts que les Maillotins acceptèrent de leur obéir. " Les bourgeois, moins meneurs qu'otages de ce tumulte, s'entendirent avec le pouvoir pour faire revenir l'ordre. La chose fut d'autant plus facile que les Maillets n'avaient aucun chef. Hugues Aubriot élargi par eux du Fort l'Evêque, où cet ancien Prévôt mécréant expiait ses fautes contre la religion, s'était empressé de disparaître, jusqu'en Avignon, dès qu'il avait compris qu'on attendait de lui qu'il commette un crime de lèse majesté en se mettant à la tête de l'insurrection.

 

Hugue Aubriot jugé comme hérétique

 

Pressé d'en finir avec la Harelle les régents acceptèrent le retour aux coutumes de Saint-Louis, référence de tous les mécontents. Le bourreau se contenta de trancher une quinzaine de têtes, puis Rouen fut punie sévèrement.

Cependant il restait à percer un abcès bien plus grave: les Flamands une fois de plus se révoltèrent contre leur suzerain, beau père de Philippe le Hardi. Leur tribun, Artevelde, traita avec l'anglais. Le soulèvement prit une dimension mythique puisque certains parisiens criaient " vive Gand, notre mère" et souhaitaient au roi de se briser les dents sur les Flamands. Le 27 novembre 1382, la chevalerie française prit en tenaille et écrasa les communiers flamands à Roosebeke. L'ost s'empara ensuite de Courtrai qu'elle incendia, non sans avoir décroché des voûtes de la cathédrale les éperons d'or des chevaliers massacré par les communiers flamands en 1302.

 

Liliane et Fred Funcken, Journal de Tintin, histoire du monde  : communiers gantois.

 

Les oncles du roi avaient vainement cherché des preuves de la collusion entre parisiens et gantois. La cause était néanmoins entendue et à leur retour les régents affectèrent de considérer Paris comme une cité conquise : pillages, exécutions et bannissements se succédèrent. On confisqua les armes et les chaînes servant à barrer les rues. La Prévôté des Marchands fut abolie ainsi que tous métiers, à commencer par la Communauté des Bouchers, première citée dans l'Ordonnance.


La férocité de la répression était à la mesure de la peur ressentie par les puissants : de 1378 à 1385 des troubles éclatèrent un peu partout en France, dans les Flandres. L'Empire, l'Italie et 1'Angleterre connurent aussi des soulèvements du petit peuple contre ses oppresseur, riches et nobles.

En Angleterre, à la fin de la régence de l'oncle de Richard II, la guerre contre les français marqua le pas, grâce à l'efficacité de Du Guesclin. Les autorités anglaises lancèrent une taxation exceptionnelle, la Poll Tax. Son caractère injuste révolta les petits contribuables. Un prêcheur itinérant, John Ball déclara :

«When Adam delved and Eve span,
Who was then the gentleman?»

«Quand Adam bêchait et Eve filait
Qui était le gentilhomme?»


Beaucoup crurent que toute cette agitation en Europe était concertée par le peuple pour balayer la noblesse, et les grands bourgeois.

 

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