L'Occident connut du XI au XIII siècle une période de forte expansion démographique et, partant, de croissance économique. Cependant, les fruits de la croissance ne furent pas également répartis.
Certains s'enrichirent fortement, en employant de méthodes dignes des grands brasseurs d'affaire et des industriels de la Révolution industrielle. Ainsi Jehan Boinebrooke, brasseur d'affaires de Douai, cité par Mollat et Wolff dans "Ongles bleus, Jacques et Ciompi" : achetant de la laine en Angleterre, il la revendait avec bénéfices à des tisserands, avant de leur racheter le fruit de leur labeur. Il prêtait des fonds à taux usuraire, surestimait la valeur de ses laines mais contestait la valeur et la durée du travails des façonniers. Personnage peu sympathique, jouissant de l'impunité puisque neuf fois échevin de sa ville... Ce n'est qu'au moment de sa mort que les victimes oseront demander réparation.

Eviter la damnation par des dons testamentaires

Le chroniqueur italien, Stefani, en 1289 à Florence ne disait pas autre chose quant à la concussion des puissants : "Les grands, écrit-il, étaient orgueilleux et traitaient mal les marchands et les artisans. Les citoyens accédant aux offices de Prieurs ne cherchaient pas à observer les lois, mais à les corrompre. Si un de leurs amis ou parents était passible d'une peine, ils prenaient soin, avec le concours de la Seigneurie et des officiers, de dissimuler leurs fautes, afin qu'ils restassent impunis. Ils ne veillaient pas sur le patrimoine de la Commune, et trouvaient ainsi le moyen de la voler. De la sorte, ils tiraient beaucoup d'argent de la caisse de la Commune, sous prétexte de rémunérer des hommes qui l'auraient servie. Les faibles n'étaient pas secourus, mais les grands leur faisaient du tort, et les "gras" qui occupaient des charges et étaient apparentés aux grands agissaient de la même manière. Pour de l'argent, beaucoup de coupables échappaient aux sanctions qu'ils encouraient. Pour toutes ces raisons, les bons citoyens du peuple étaient mécontents, et critiquaient les Prieurs, parce que les magnats guelfes étaient au pouvoir."


Tant que durera la croissance, chacun s'accordera peu ou prou de la situation politique dans laquelle le pouvoir est au mains d'une oligarchie : coqs de villages, seigneurs et grands bourgeois. La peste fut même, pour les ouvriers survivants une occasion de faire monter les salaires, en dépit des pressions des autorités pour que ceux ci restent au niveau d'avant l'épidémie.

Philippe de Beaumanoir, dans ses coutumes du Beauvaisis entendait lutter contre les demandes excessives des salariés, qui auraient entraîné une inflation (le mot n'existe pas encore) préjudiciable à l'ensemble de la société. Pour autant, ce grand serviteur de l'état n'absout pas l'attitude égoïste des puissants et l'accaparement des charges municipales. " II y a alliance faite contre le commun profit lorsque certaine manière de gens jurent, ou garantissent, ou conviennent qu'ils ne travailleront plus à prix aussi bas qu'auparavant, mais augmentent ce prix de leur propre autorité, s'entendent pour ne pas travailler à moins, et établissent entre eux des peines ou des menaces contre les compagnons qui n'observeront pas cette alliance.
Celui qui le leur tolérerait agirait contre le droit commun, et jamais ne seraient conclus de bons contrats de travail, car les membres de tous les métiers s'efforceraient d'exiger des salaires plus élevés que de raison, et l'intérêt commun ne peut souffrir qu'il ne soit pas travaillé. Pour ce, aussitôt que de telles alliances viennent à la connaissance du souverain ou d'autres seigneurs, ils doivent mettre la main sur toutes les personnes qui s'y sont accordées, et les tenir en longue et étroite prison; et, après une longue peine de prison, on peut lever de chacune soixante sols d'amende."

 

Sitôt que l'expansion s'essouffle, et que des épidémies, des guerres ou des famines perturbent la production où la circulation des biens, le petit peuple commence à réclamer des réformes financières et politiques.
Survient alors un leader, fréquemment un membre déclassé ou aigri d'une famille puissante. Parfois, en sous main, il est lui même à l'origine du soulèvement. Parfois il accepte spontanément de se mettre à la tête des révoltés, soit parce qu'il espère un profit personnel ( Marcel, Médicis), soit parce qu'il se sent investi d'une mission, quelquefois divine (Cola di Rienzo pour les Ciompi). Parfois il a été contraint sous peine de mort de diriger les émeutiers : c'est tout du moins ce qu'il déclarera en espérant obtenir la clémence royale au moment de la répression.

Tout est prèt pour une révolte violente, durant laquelle les petits pourront espérer faire tourner le Roue de la Fortune et faire tomber les puissants. Il ne manque plus qu'un incident mineur...

 

Edgar P. Jacobs Blake et Mortimer, le piège diabolique.

Les Jacques ne sont pas des paysans pauvres et affamés : le mouvement naît dans les plus riches terres du Bassin Parisien. Les paysans, quelquefois aisés, ne supportent plus la pression fiscale au bénéfice des nobles qui ne vivent plus parmi eux, détournent l'argent destiné à la guerre pour s'offrir des objets de luxe... et ne se sont pas couvert de gloire face à l'Anglais.

Or il y a trois ordres dans la société : ceux qui prient, ceux qui guerroient et ceux qui travaillent. Si l'un des ordres ne tient plus son rôle, c'est la société qui vacille.

 

 

Durant tout le XIVème siècle, les troubles iront croissants en Europe, jusqu'à l'acmé des troubles entre 1376 et 1385 qui a fait croire aux riches qu'une révolte mondiale était en cours.

Mais ces émeutes ont parfois opposé les métiers ou les villes, comme aux Pays Bas : Gand ravage Bruges pour garder sa suprématie en matière de tissage, les tisserands et les foulons se massacrent successivement...

Mollat et Wolff dans "Ongles bleus, Jacques et Ciompi", se sont demandés si la peste n'avait joué un rôle en créant une synchronisation dans l'ensemble des populations européennes.

 

année

France
Pays bas
Angletere
Italie Empire

1347

      Automne : peste apportée de Crimée en Sicile par des galères

1348

Eté : peste remontant jusqu'à Paris     Peste en Italie
1349 Peste   Peste en Agleterre Peste en Allemagne
1356

Septembre : défaite de Poitiers et capture de Jean le Bon

Novembre : états généraux de Langue d'Oïl. Marcel dénonce les gaspillages

   

1358

Février : coup de force d'Etienne Marcel contre l'entourage du Dauphin

Mai : début de la Jaquerie en Ile de France

Juin : Clermont sur Oise, écrasement des Jacques par Charles le Mauvais

Juillet : Marcel assassiné au moment de livrer Paris à Charles le Mauvais

   
1378

Avril : émeutes du Puy, agitations à Nimes

 

   

 

 

 

Juillet : révoltes des Ciompi à Florence
Agitation à Dantzig

1379 Octobre : soulèvements à Montpellier et dans la région, troubles à Aubenas

1er Septembre : troubles à Gand

 

1er décembre : concessions du Comte de Flandre

   
1380






 

 

 

 

Septembre Octobre : agitation universitaire à Paris

16 Septembre : mort de Charles V

3 Octobre : agitation contre les aides à Saint Quentin, Compiègne et Laon

15 Novembre : manifestation à Paris contre les aides ; émeutes antisémites

début : nouveau soulèvement en Flandres

29 Mai : défaite des tiserands de Bruges

Juin : Gand assiègée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

fin de l'année : vote du Poll Tax

 

 

 

 

 

 

13 Août : soumission des dirigeants de Brunswick

 

 

 

 

 

 

Décembre : épreuve de force à Lübeck

 

 

 

1381

Mai : émeutes à Saint Quentin

 

 

 

 

 

Septembre : émeutes à Beziers


Printemps : nouvelle révolte de Gand

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fin Mai : début de révolte en Essex

2 Juin révolte en Kent

10 Juin : prise de Canterbury

13 Juin : entrée des rebelles à Londres

15 Juin : assassinat de Wat Tyler exécution de John Ball

Juillet Août : répression

usurier, farce de maitre Pathelin
1382

 

24 Février : Harelle de Rouen (et agitation à Amiens et en Normandie)

1er Mars : les Maillotins à Paris

15 Mars : répression des Maillotins

29 Mars : Charles VI à Rouen

1er Aout : 2ème Harelle de Rouen

Automne : agitation à Paris

26 Janvier : Philippe van Artevelde 1er capitaine à Gand

 

 

3 Mai : prise de Bruges par les Gantois


27 Novembre : Roosebeke

Janvier : défaite finale des Ciompi

 

 

 

 

 

 

1383

Janvier-Février : répression à Paris Mars : répression à Rouen

 

 

 

 

Juillet : succès de Frans Ackerman en Flandre

 

   
1384   30 Janvier : mort de Louis de Male, Comte de Flandre Mort de John Wyclif, théologien réformateur qui inspirera Jean Huss puis les protestants  

1385
 

 

 

18 Décembre : paix de Tournai

 

17 Septembre : arrestation des conjurés de Lübeck

 



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