Ménagier de Paris

 

Ménagierde Paris

 

Certes l'auteur a épousé une jeunesse et ne nous est pas sympathique au premier abord. Son livre est, comme ceux de tous les auteurs de l'époque surchargé de de considérations religieuses pesantes. Certaines de ses réflexions et de ses adages nous paraissent insupportables, en première analyse.

Et pourtant, au fil de la lecture, ce bourgeois très aisé nous devient sympathique. Il est le fruit de son époque mais il semble aimer, à sa façon , sa jeune épouse. Et, si ce n'est pas un féministe -qui l'était à l'époque?- il semble manifester un réel intérêt pour la condition d'une jeune épousée. D'ailleurs, il ne se fait guère d'illusion car il considère qu'elle sera sa veuve et qu'elle se remariera...

 

 

Repas de noces dans la haute bourgeoisie parisienne

 

L'ordonnance des noces que fera maître Hélie en un mardi du mois de mai : dîner seulement, pour vingt écuelles. (1)

Assiette. - Beurre : rien, parce que c'est jour de viande. Item, cerises : rien, parce qu'on n'a pas pu en trouver. Donc pas d'assiette.
Potages : chapons au blanc manger (2) , grenade et dragée vermeille semées par-dessus.
Rôti : dans chaque plat, un quartier de chevreau : le quartier de chevreau est meilleur que celui d'agneau; un oison, deux poussins avec les sauces qui vont avec, oranges cameline (3) , verjus. Après cela, nappes ou serviettes propres.
Entremets : gelée d'écrevisses, de loches, lapereaux et cochon.
Dessert : fromentée et venaison. Issue : hypocras et le métier.
Boute-hors : vin et épices.

Le menu du souper qui sera fait en ce jour est celui-ci, pour dix écuelles.
Froide sauge( 4) de moitiés de poussins, de petites oies, et vinaigrette de ce même mets pour en verser dessus en un plat. Un pâté de deux lapereaux et deux flancs (encore que pour certains, dans les noces françaises, il faut des darioles), et en un autre plat de la fraise de chevreaux et les demi-têtes dorées.
Entremets : gelée comme plus haut. Issue : fruits et fromage, sans hypocras, car c'est hors de saison.
Danser, chanter; vin et épices, et les torches pour y voir.

Quelles quantités faut-il prévoir pour ces repas et leurs à-côtés ? A quel prix et où se procurer et acheter les fournitures ?


(1). C'est-à-dire pour quarante convives.
(2). Sauce faite avec du lait d'amandes, des blancs de chapons bouillis (ou du veau), du gingembre, de la mie de pain, le tout pilé ensemble, passé et épaissi sur le feu.
(3). Sauce aux épices liée avec du pain broyé, trempé de vin ou de vinaigre et passe.
(4). Bouillie de farine de froment aux œufs.

 

Saint Louis offrant un repas  aux pauvres

 


Au boulanger : dix douzaines de pain blanc plat cuit de la veille, d'un denier pièce. Pain de tranchoirs : trois douzaines d'un demi-pied de large et de quatre doigts de haut, cuit quatre jours avant, et que ce soit du pain bis ; ou bien prendre aux halles du pain de Corbeil (1).
Echansonnerie : trois espèces de vins.
Au boucher : une moitié de mouton pour faire la soupe des compagnons et un quartier de lard pour larder ; le gros os d'une jambe de bœuf pour cuire avec les chapons, afin d'avoir le bouillon qui sert a faire le blanc manger. Un quartier de veau de devant pour servir au blanc manger. Pour le second service (2), une jambe de veau, de derrière, ou des pieds de veau, ce qui fournira le jus pour la gelée. Venaison : un pied carré.

Au marchand d'oublies, il faut commander : primo, pour le service de la jeune mariée, une douzaine et demie de gaufres fourrées, trois sous; une douzaine et demie de gros batons, six sous ; une douzaine et demie de portes 3, dix-huit deniers ; une douzaine et demie d'étriers (3), dix-huit deniers ; un cent de galettes sucrées, huit deniers.
Item, on a fait marché avec lui - pour vingt écuelles au diner du jour des noces, et six écuelles pour les serviteurs - qu'il aura six deniers par écuelle, étant convenu qu'il servirait, sur chaque écuelle, huit oublies, quatre supplications et quatre étriers.

Au marchand de volaille : vingt chapons, à deux sous parisis la pièce; cinq chevreaux, quatre sous parisis ; vingt oisons, trois sous parisis pièce ; cinquante poussins, douze deniers parisis pièce, a savoir quarante a rôtir pour le dîner, cinq pour la gelée et cinq a faire la froide sauge pour le souper. Cinquante lapereaux, savoir quarante pour le dîner, qui seront en rot, et dix pour la gelée, a douze deniers parisis chaque. Un cochon maigre, pour la gelée, quatre sous parisis ; douze paires de pigeons pour le souper, dix deniers parisis la paire. - II faut lui demander de la venaison.

Aux halles : pain pour tranchoirs, trois douzaines. Grenades pour le blanc manger, trois..., oranges, cinquante... Six fromages nouveaux et un vieux, et trois cents œufs.
II est a savoir que chaque fromage doit fournir six tartelettes, et qu'il faut trois œufs pour un fromage.

(1). Gros pain qu'on apportait de Corbeil par la Seine.
(2). Sans doute celui des serviteurs ou de convives d'un moindre rang.
(3). Sortes d'oublies.

 

Marco Polo épices et soies

 


De 1'oseille pour faire le verjus pour les poussins, de la sauge et du persil pour faire la froide sauge, et deux cents pommes de blandureau (1).
Deux balais et une pelle pour la cuisine, et du sel.

Au saucier, trois chopines de cameline pour le dîner et le souper et une quarte de verjus d'oseille.

A 1'épicier : dix livres d'amandes, quatorze deniers la livre. - Trois livres de froment mondé, huit deniers la livre. - Une livre de poudre de gingembre colombin, onze sous. - Un quart de livre de gingembre de mèche, 5 sous. - Une demi-livre de cannelle battue, cinq sous. - Deux livres de riz battu, deux sous. - Deux livres de sucre en pain, seize sous. - Une once de safran, trois sous. - Un quart de livre de girofle, clous et graine mêlés, six sous. - Un demi-quart de poivre long, quatre sous. - Un demi-quart de garingal (2), cinq sous. - Un demi-quart de macis (3), trois sous quatre deniers. - Un demi-quart de feuilles de laurier vert (4), six deniers. - Deux livres de bougie, grosse et petite, trois sous, quatre deniers la livre, soit six sous, huit deniers. - Torches de trois livres la pièce : six ; flambeaux d'une livre la pièce : six ; au prix de trois sous la livre a 1'achat, et la reprise avec six deniers de moins par livre (5).
Au même : épices de chambre (6), savoir : orangeat, une livre, dix sous. - Citron, une livre, 12 sous. - Anis vermeil, une livre, huit sous. - Sucre rosat, une livre, dix sous. - Dragée blanche, trois livres, dix sous la livre. - Au même, 1'hypocras, trois quartes, dix sous la quarte, et il viendra chercher tout [ce qui restera].
Le total de cette épicerie monta à douze francs, compte tenu de ce qui fut brûlé des torches, et de ce qu'il ne resta que peu d'épices ; ainsi on peut prendre pour base un demi-franc par écuelle.

A la Pierre-au-Lait (7), un setier de bon lait non écrémé, ni coupe d'eau, pour faire la fromentée.
En Grève (8), un cent de cotrets de Bourgogne, treize sous ; deux sacs de charbon, dix sous.

A la Porte-de-Paris : mai (9), herbe verte, couronnes de fleurs, un quart de sel blanc, un quart de gros sel, un cent d'écrevisses, une chopine de loche, deux pots de terre, 1'un d'un setier pour la gelée, et Pautre de deux quartes pour la cameline.

(1). Espèce de pomme : calville blanche.
(2). Racine de galanga.
(3). Deuxième écorce de la noix muscade.
(4). Laurier-sauce.
(5). Les résidus de chandelles étaient repris au poids par 1'épicier.
(6). Sucreries servies hors des repas.
(7). La Pierre-au-Lait devant Saint-Jacques-la Boucherie.
(8). La place de Grèves aujourd'hui de 1'Hotel-de-Ville.
(9). Branches vertes.

 

Renaud de Montauban

 


Ainsi nous avons : primo, le service en général, deuxièmement 1'ensemble des fournisseurs ; maintenant et en troisième lieu, il faut trouver le personnel.

Primo, il faut un clerc ou valet qui s'occupera de la fourniture d'herbe verte, des violettes, couronnes de fleurs, lait, fromage, œufs, bûches, charbon, sel, cuves et cuviers tant pour la salle que pour I'office, verjus, vinaigre, oseille, sauge, persil, ail nouveau, de deux balais, d'une pelle et autres menues choses.
Item, un cuisinier et ses valets qui coûteront deux francs de louage sans les autres droits, mais le cuisinier paiera ses valets et le portage; et 1'on dit : a plus d'écuelles, louage plus cher.

Item, deux porte-chapes, dont 1'un coupera le pain, fera tranchoirs et salières de pain; ils auront la charge d'apporter sur les tables le sel, le pain et les tranchoirs, et procureront pour la salle deux ou trois récipients pour y jeter les reliefs solides, comme lèches de pain, pain tranché ou rompu, tranchoirs, morceaux de viande et choses semblables ; et deux seaux pour y recueillir les brouets, sauces et autres restes liquides.

Item, il faut un ou deux porteurs d'eau. Item, des huissiers grands et forts qui se tiennent à la porte.

Item, deux écuyers de cuisine et deux aides avec eux pour le dressoir de la cuisine, dont 1'un s'occupera de fournir au service de la cuisine et de la pâtisserie et procurera le linge pour six tables ; et avec cela, deux grands pots de cuivre pour vingt écuelles, deux chaudières, quatre passoires, un mortier et un pilon, six nappes grossières pour la cuisine, trois grands pots a vin de terre, un grand pot de terre pour le potage, quatre jattes et quatre cuillers de bois, une poêle de fer, quatre grandes marmites a anse, deux trépieds et une cuiller de fer. Et il procurera aussi de la vaisselle d'étain : soit dix douzaines d'écuelles, six douzaines de petits plats, deux douzaines et demie de grands plats, huit quartes, deux douzaines de pintes, deux pots a aumône.


Item, [la location] de I'hôtel ; noter que celle de l'hôtel de Beauvais coûta à Jehan du Chesne (2) quatre francs ; les tables, tréteaux, escabelles et autres, cinq francs ; et la chapellerie (3) lui coûta quinze francs.

Quant a l'autre écuyer de cuisine ou son aide, il accompagnera le chef chez le boucher, le marchand de volaille, 1'épicier, etc..., pour marchander, choisir et faire apporter, et paier portages; et auront une huche fermant à clef où seront les espices, etc., et tout distribueront par raison et mesure. Et après ce, eulx ou leurs aides retrireront et mettront en garde le surplus en corbeillons et corbeilles en huche fermant pour éviter le gâchis et excès des mesnies.

(1). Où 1'on mettait les parts prélevées pour les pauvres.
(2). Pour les noces de ce personnage.
(3). Les couronnes de fleurs.

 

 

Renaud de Montauban

 

Deux autres ecuyers convient pour dresser en salle, qui livreront cuilliers et les recouvreront : livreront hanaps, et verseront tel vin comme chascun leur demandera pour ceulx qui seront à table, et recouvreront la vaisselle.

Deux autres escuiers pour l'echançonnerie, lesquels livreront vin pour porter au dressoir, (1) aux tables et ailleurs; et auront un varlet qui tirera le vin.

Deux des plus honnetes et mieulx savants qui accompaigneront toujours le marié et avec lui iront devant les mets.

Deux maistres d'ostel pour faire lever et ordener l'assiette des personnes (2) un asséeur et deux serviteurs pour chascune table, qui serviront et desserviront: getteront le relief auxcorbeilles, les sausses et brouets en seaux ou cuviers, et retireront et apporteront la desserte des mets aux escuiers de cuisine ou autres qui seront ordonnés à la sauver, et ne porteront riens ailleurs.

L'office du maistre d'ostel est de pourveoir des salières pour la grant table; hanaps, quatre douzaines; gobelets couvers dorés, quatre; aiguières, six; cuilliers d'argent, quatre douzaines; quartes d'argent, quatre; pos à aumosne, deux; dragouers, deux.

Une chapelière qui livrera chapeaux le jour du regard (3) et le jour des noces.

L'office des femmes est de faire provision de tapisseries, d'ordonner à les tendre, et par espécial la chambre parer et le lit qui sera bénit.

Lavendière pour tresser.

Et nota que si le lit est couvert de drap, il convient d'y mettre couverture de menu vair : mais s'il est couvert de serge, de broderie, ou d'une courte-pointe de cendail, non.


(1). Le meuble de présentation, C.F. l'enluminure
(2). Pour placer les convives.
(3). Couronnes de fleurs pour le repas offert le lendemain des noces par les mariés.

 

 

 

Trois expressions courantes nous viennent du Moyen Age : "banqueter", "dresser la table" et "mettre le couvert".

Explications : à l'exception du maître de maison noble, qui disposait d'une chaise à dossier, la cathèdre, les français de l'époque s'asseyaient sur des bancs ou des banquettes pour les repas de fêtes...

Il n'y avait pas de véritable table, on se contentait de dresser des planches sur des trétaux...

"Mettre le couvert se disait ainsi parce que, aux tables des rois et des princes, les plats hanaps, salières avaient un couvercle, sorte de garantie extérieure contre l'empoisonnement ; de là couvert a pris le sens des assiettes, fourchette, cuiller, couteau que l'on met devant un convive, et plus particulièrement encore, de la fourchette et de la cuiller." Dictionnaire Littré XIXème

 

 

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