Une ourse et son nouveau né, entouré par le placenta. L'ourse léchera son petit, et les hommes du Moyen Age pensaient qu'elle façonnait une masse informe, inachevée. D'où célèbre formule "ours mal léché" pour qualifier un individu bourru et asocial.
Il existe à Paris une rue aux Ours, près de l'actuel forum des Halles. Il n'y a jamais eu d'ours à Paris, à part quelques animaux de jongleurs et la rue doit son nom aux oies que l'on y cuisinait. La prononciation et la graphie du Moyen Âge furent progressivement transformées : rue aux Oes, rue aux Oues puis aux Ours...
"OÉS rosties à 1'aillet blanc en yver, ou à la jance.
Et nota que en Aoust et Septembre, quant les oisons sont aussi grans comme père et mère, l'en congnoist les jeunes à ce que quant l'en appuie son poulce sur leur becq , il fond soubs le poulce, et aux autres non.
Item, nota que oisons mis en mue, se ils sont bien petis, ils engressent
jusques au neuvième jour, et après ameigrissent : mais les oés
engressent toujours sans défrire ; et soit l'un, soit l'autre, il les
convient tenir seichement et garder de mouillier leurs piés, ne estre
sur lictière moitte, mais finement seiche, et garder de baigner ne mengier
verdure, et ne voient point de clarté, et soient peus de fourment cuit,
et abeuvrés de lait meigre ou de l'eaue en quoy le fourment aura cuit,
et ne leur convient donner autre buvrage, et soient peus de bonne avoine. [...]
Item , à Paris, les oyers engressent leurs oies de farine, non mie la fleur ne le son, mais ce qui est entre deux , que l'en appelle les gruyaux ou recoppes: et autant comme ils prennent de ces gruyaux ou recoppes, autant mettent-ils d'avoine avec, et meslent tout avec un petit d'eaue, et ce demeure ensemble espais comme paste, et ceste viande mettent en une goutière [mangeoire allongée] sur quatre piés, et d'autre part, de l'eaue et lictière nouvelle chascun jour, et en quinze jours sont gras. Et nota que la lictière leur fait tenir leurs plumes nettes."
Analyse par René de Lespinasse et François Bonnardot, Paris, 1879
Les Cuisiniers étaient établis pour vendre au peuple des viandes communes et de bas prix, qu'ils préparaient de diverses manières, soit bouillies, soit rôties. On les les appelait Cuisiniers, du mot cuisine, employé dans le sens de viande accommodée, et aussi Oyers, parce que les oies étaient les volailles dont le peuple faisait la plus grande consommation. Les étaux des Cuisiniers marchands d'oies, ouverts dans un quartier voisin des Halles, ont donné leur nom à la rue aux Oues, transformé aujourd'hui, par une erreur grossière, en rue aux Ours.
Il fallait, pour être Cuisinier, savoir préparer convenablemant
toutes sortes de viandes et avoir fait deux ans d'apprentissage. Si un fils
de Maître voulait exercer le métier de son père avant de
le connaître suffisamment, il devait s'adjoindre, à ses dépens,
un homme qui sût faire la cuisine et le garder jusqu'à ce qu'il
eût acquis lui-même l'habileté nécessaire.
Pour prendre un apprenti, le Maître versait une somme de dix sous, dont
six revenaient au Roi et quatre aux Maîtres du métier. Il dressait
par écrit les conventions, en présence de plusieurs témoins,
et s'engageait à respecter le terme de l'apprentissage.
Les valets ne pouvaient résilier leur contrat de louage qu'avec l'assentiment
de leur Maître. Quand un Maître essayait de détourner les
valets d'un autre, il était condamné à une amende de dix
sous.
Les précautions prises pour les approvisionnements chez les Regrattiers
sont renouvelées chez les Cuisiniers; même défense d'aller
à la rencontre des marchands forains ou de s'associer avec eux; même
obligation de se fournir aux Halles, ou dans les champs qui s'étendent
entre le pont du Roule et le pont de Chaillot jusqu'aux faubourgs de Paris,
ou du côté de Saint-Honoré et du Louvre.
Les prescriptions relatives à la qualité des viandes méritent
d'être citées : Nul ne doit cuire ou rôtir des oies, du buf,
du mouton, du veau, de l'agneau, du chevreau ou du cochon, si ces viandes ne
sont pas loyales et de bonne moelle. Nul ne doit garder plus de trois jours
des viandes cuites, qui ne sont pas salées. On ne doit faire des saucisses
qu'avec de bonne chair de porc. Quant au boudin de sang, que personne ne puisse
en vendre, " car c'est périlleuse viande." Tout morceau méritant
un de ces reproches était jeté au feu, condamné à
"ardoir", et le Cuisinier payait dix sous d'amende.
Il y avait encore une amende de cinq sous pour celui qui blâmait la viande
d'un autre quand elle était réellement bonne, et pour celui qui,
voyant un consommateur s'approcher de la fenêtre d'un Cuisinier, cherchait
à l'attirer à la sienne, avant qu'il s'en fût éloigné
de lui-même. Ces petites chicanes montrent l'esprit étroit des
règlements ; mais, si l'on réfléchit qu'ils étaient
l'uvre des ouvriers eux-mêmes, et que l'ouvrier, éminemment
pratique, ne voit que les détails, peutêtre les trouvera-t-on réellement
utiles.
Terminons par un article autrement intéressant, qui nous apprend, aussi
clairement que possible, que les Cuisiniers avaient une caisse de secours. Cet
article dit que, sur la portion des amendes allouées aux Jurés,
il en sera prélevé un tiers pour former un fonds destiné
à soutenir les vieillards tombés dans l'indigence, par infirmité
d'âge ou par suite de mauvaises affaires. C'est une institution digne,
à tous égards, des meilleurs temps de la civilisation.
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