"Quoi que cette pêche et l'art de saler le poisson ne paraissent point un objet bien important dans l'histoire du monde, c'est là cependant le fondement de la grandeur d'Amsterdam en particulier. "
Analyse par René de Lespinasse et François Bonnardot, Paris, 1879
Le poisson de mer arrivait à Paris par eau ou par terre, sur des charrettes et bêtes de somme. Il en venait du frais et du salé. Les marchands ne pouvaient faire leurs provisions qu'aux Halles de Paris, ou dans les marchés ordinaires des villes voisines et à la rivière d'Oise ; s'ils arrêtaient une voiture, ils s'exposaient à la saisie de leur poisson, et le marchand étranger qui ne la déchargeait pas aux Halles encourait une amende de cinq sous.
Vingt hommes établis par les Jurés du métier et appelés
" vendeurs, compteurs, poigneurs," étaient chargés de
vendre le poisson. Ces hommes devaient déposer un cautionnement de soixante
sous et avoir un domicile connu. Ils recevaient un denier par chaque millier,
mais ils ne pouvaient vendre que six sommes ou trois charrettes de poisson par
jour. On les frappait d'une amende de dix sous, s'ils vendaient avant d'avoir
versé leur cautionnement, ou s'ils se mêlaient de commerce.
Le maquereau et le hareng se vendaient "à conte," c'est-à-dire
à la pièce. Quand le vendeur et l'acheteur s'accordaient pour
ne point compter, chacun d'eux prenait un panier, le faisait compter, puis fixait,
d'après le résultat, la contenance et le prix de tous les autres
paniers.
Harenc est ung poisson qui vit d'eaue seulement; et est assavoir
que quatre manieres de animaux sont qui d'un seul element vivent.
La taupe vit de terre seulement, comme il appert au .ix. et .vj. chappitre de
ce livre.
Le caméléon vit de l'air; appert au .viij .xix. cbappitre.
La salamandre vit de feu; appert au .vj .xvii. chappitre de ce livre ; comme
il est mis en Catholicon, par les vers qui ensuivent :
Talpe terra cibus.
Cameleon in aere vivit;
Allex unda fovet,
Flamme pascunt salmandram.
Ce poisson de la famille des clupéidés a été l'un des animaux marins les plus consommés par les européens. Dans le monde chrétien, le poisson a une place primordiale. Les premiers chrétiens dessinaient des poissons stylisés car le mot grec "Ichtios" passait pour l'acronyme de "Iesus Christos Theou Uios Soter", soit Jésus Christ fils de Dieu. Pour diverses raisons, l'église catholique apostolique et romaine avait imposé des périodes d'interdiction des protéines animales, le Carême. Le poisson, symbole de la pureté des , s'est imposé comme source de protéines de remplacement. Selon les lieux et les époques, le respect des interdictions de produits d'animaux terrestre a été plus ou moins respecté : les Flamands , ventre à beurre avant de devenir plus récemment ventres à bière, ont toujours eu du mal à se passer de beurre, même en Carême.
Le hareng, poisson miraculeusement consommable et disponible en quantités énormes en période de Carême a été le plus consommé par nos ancêtres, bien avant que les Basques ne découvrent les morues de Terre Neuve. Le hareng est un animal prolifique et grégaire : une seule femelle put pondre 50 000 ufs qui se déposent sur les fonds marins peu profonds, par exemple en Norvège. Les alevins, à peine éclos, entreprennent une longue migration entre Écosse, Irlande et France pour revenir à l'âge adulte, au moment de frayer, sur leur lieu de naissance.
Le mot hareng a été rapproché du vieil allemand "heer" ou "heri" , armée ou troupe. On disait qu'une hallebarde fichée dans les bancs en migration restait debout et Philippe de Maizières affirmait à Charles VI que les harengs étaient si nombreux dans le détroit de Sund que l'on pouvait les tailler à l'épée.
Les Danois furent les premiers à profiter de la manne, avant le XI ème siècle. Puis les pêcheurs de la Hanse d'Allemagne devinrent prépondérants vers le XIII ème siècle. Enfin, à la faveur d'un changement climatique qui déplaça les zones de ponte, mais aussi grâce à des méthodes commerciales plus efficaces, le commerce du hareng devint hollandiais à compter du XVI ème siècle. et
Les harengs étaient traités au sel de mer. Le sel de Bourgneuf et de Brouage était le plus réputé. Puis venaient les sels du Portugal qui sentaient encore l'algue...
A partir du XIII ème siècle, les harengs furent également traités en saurisserie -éviscérés et fumés- ce qui améliora leur goût. Toute l'imagination des hommes fut requise pour faciliter le transport dans les points de l'Europe les plus éloignés des côtes : la fortune des Hollandais est attribuée à l'invention -ou à l'usage systématisé- du caquage vers 1330 : entasser un maximum de harengs dans un minimum de place, en tonneau.
Illustration des oeuvres d'Olaf le grand, Olaus Magnus, homme de science, archevèque d'Uppsalla en Norvège, vers 1550. Sur l'étal d'un poissonnier on peut reconnaitre du lard de baleine au centre et deux quadrupèdes à gauche, dont un décapité. Sans doute des jeunes dauphins ou marsouins dont la chair est consommable en carème. Accrochés au mur, à gauche, des filets de morue sèchées. Devant l'étal, divers poissons sèchés ou en caque...
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