LE LIVRE DES MÉTIERS d'Etienne Boileau.

 

Analyse par René de Lespinasse et François Bonnardot, Paris, 1879

 

Le commerce du poisson formait trois communautés, dont les statuts sont rangés à la fin du recueil d'Etienne Boileau. C'étaient les Pêcheurs de la Seine, les Marchands de poisson d'eau douce et les Marchands de poisson de mer.
Le titre des " Pescheurs de l'eaue le Roy " est curieux sous plusieurs rapports. L'eau, c'est-à-dire les rivières de Seine et de Marne, appartenait au Roi depuis la pointe de l'île Notre-Dame jusqu'à Saint-Maur-des-Fossés, en amont. Le Roi se réservait d'y accorder le droit de pêche, et les concessionnaires de ce droit furent assimilés à des gens de métier. Philippe-Auguste donna en fief ce droit de concession à la famille d'un certain Guérin du Bois, que nous trouvons cité dans les statuts. Guérin possédait donc les revenus, la justice et les amendes du métier des Pêcheurs. Le métier s'achetait cinq sous, dont quatre à Guérin et un au Roi ; les impôts annuels s'élevaient à trois sous de hauban, deux sous de coutume pour le Roi et cinq oboles pour Guérin. Ces impôts étaient accablants pour un métier si peu lucratif; aussi les pêcheurs réclamaient-ils le droit de se faire rayer sur leur simple demande.
Ils ne devaient pêcher les brochets, barbeaux, anguilles et carpes, qu'à partir dune certaine grosseur; leurs filets, appelés saines et troubles, devaient être conformes au modèle donné par le Maître Queux du Roi, pour la dimension des Mailles. Guérin avait cinq Sergents, ou Jurés, établis à Paris, aux Carrières, à Saint-Maur-des-Fossés, à Villeneuve-Saint-Georges et à Choisy. Ils surveillaient le métier, chacun dans sa localité, et étaient quittes des impôts, à titre d'indemnité.
Les statuts ne disent pas comment les Pêcheurs disposaient de leur poisson, s'ils le vendaient directement aux consommateurs, ou s'ils étaient tenus de le livrer, pour un prix, aux poissonniers d'eau douce. Du reste, il ne s'agit ici que des Pêcheurs dans l'eau du Roi ; il devait y en avoir tout le long de la Seine, dans les eaux de l'Évêque et du chapitre de Notre-Dame.

charmeur de poissons?

 

L'achat du métier de Poissonnier, ou marchand de poisson d'eau douce, avait lieu en deux payements : le premier était fait au Roi; le second, qui s'élevait à vingt sous, entrait dans la caisse de secours, par la main des quatre Gardes Jurés, et devait être " converti au commun profist de tout le mestier ". Il fallait s'en acquitter, pour avoir le métier tout sus, c'est-à-dire pour obtenir le droit au partage des marchandises avec les autres Poissonniers et à l'achat du poisson dans un rayon de deux lieues autour de Paris. Celui qui faisait le commerce avant d'avoir payé ses vingt sous perdait son poisson ; les Jurés devaient le donner au Châtelet ou à l'Hôtel-Dieu.
La vente du poisson se faisait à un marché spécial, situé à côté du Grand-Pont ou Pont-au-Change, et appelé les pierres aux poissonniers. Les marchands devaient y apporter tout leur poisson, pour qu'on pût y exercer la prise. Chaque matin les quatre Jurés prisaient ou estimaient le poisson au plus juste prix. Le Maître Queux passait ensuite, au nom du Roi et de quelques grands seigneurs, pour retenir tout ce qui lui convenait. Ce droit de prise conférait au Maître Queux du Roi le pouvoir de choisir et de changer à sa volonté les Jurés, ou priseurs; il leur faisait prêter serment de priser loyalement. Une amende de dix sous et la saisie du poisson étaient infligées à celui qui se permettait de dire des injures aux Gardes, au sujet de leur estimation, ou qui évitait, par des détours, de faire passer sa marchandise sous oeil du Maître Queux. La prise était en réalité un droit fort gênant et fort onéreux, et les précautions édictées par les statuts prouvent que les Poissonniers tentaient souvent de s'en affranchir.
Les Jurés avaient encore la surveillance de la qualité et de la grosseur du poisson. Les barbeaux, tanches, carpeaux et anguilles, devaient être vendus au moins un denier les quatre ; à un plus bas prix, ils étaient considérés comme trop petits. Le poisson devait être pêchés en rivière ; celui qu'on appelait " poisson en terre", c'est-à-dire élevé dans un bassin, n'était pas bon pour la vente. Chaque année, à l'époque du frai, de la mi-avril à la mi-mai, la vente était interdite sur l'ordre du Prévôt de Paris, publié dans le marché. Enfin, tant que le Roi demeurait à Paris et pendant les sessions du Parlement, les Poissonniers ne pouvaient rien acheter ailleurs que sur le port et sur le marché des pierres.
On infligeait assez rarement une amende ; mais toute infraction entraînait la perte ou la saisie du poisson. S'il était mangeable, on le donnait aux prisonniers du Châtelet ou à l'Hôtel-Dieu; s'il était pourri ou mauvais, on le faisait "ruer en Saine ".

 

Olaus Magnus, homme de science, archevèque d'Uppsalla en Norvège, s'interessa à tout ce qui se rapportait à la mer. Pêche et mode de conservation du saumon vers 1550.

 

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