Vaut il mieux un bovin ou un cheval pour le travail? L'anglais Walter de Henley au XIIIème siècle compara les coûts des deux animaux.

"Si le cheval doit être en forme pour faire sa journée, il lui convient d'avoir au moins la nuit le sixième d'un boisseau d'avoine ; prix : une maille et au moins douze quantités d'herbe à un denier l'été ; et chaque semaine, une plus, une moins, un denier de ferrure s'il doit être ferré des quatre pieds. La somme est de 12 sous 5 deniers l'an sans le fourrage et la paille.

[ Pour le bœuf] la somme est de trois sous un denier sans le fourrage et la paille. Et quand le cheval est vieux et recru on ne peut rien en tirer que le cuir. Et quand le boeuf est vieux, avec dix deniers d'herbages, il vaudra pour le lardier ou bon à vendre autant qu'il coûta."

Le cheval est donc une bête de luxe essentiellement destinée à servir le chasseur et le guerrier. Blesser, mutiler, castrer le cheval d'un ennemi, c'est s'attaquer à son honneur... et accessoirement à sa bourse : on a pu calculer qu'il fallait le travail de douze paysans pour nourrir et équiper un cavalier et sa monture.

Cliché personnel. Puszta hongroise, 2002

Sur des chariots tirés par des bœufs attelés par les cornes, les descendants des troupes d'Attila profitèrent de la faiblesse de l'Empire et ravagèrent l'Europe, un siècle à peine après le couronnement de Charlemagne en 800. Leur réputation de férocité était telle qu'on leur attribua, à tort, l'origine du mot "Ogre". Ils se fixèrent ensuite dans les riches pâturages du Danube, dans le pays qui porte désormais leur nom : la Hongrie.

Ces bœufs gris photographiés dans la Puszta hongroise sont les héritiers des bœufsà longue corne des envahisseurs... Il existe des bovins assez semblables en Italie et en Suisse ; mais on ne sait s'ils ont accompagnés les hordes féroces, ou étaient apportés en dot par des princesses hongroises.

La Hongrie exportera des troupeaux de bovins excellents marcheurs sur l'Empire, la Pologne et les ports italiens, dont Venise. En 1713, un animal malade apportera la peste bovine en Italie. De là, elle passera en France, en Grande Bretagne, en Hollande et dans les Allemagnes... en causant près de 90 % de mortalité dans les troupeaux , soit bien plus que la Peste Noire chez les humains.

Cette maladie meurtrière, qui frappera pendant une cinquantaine d'années, sera à l'origine de la fondation des Ecoles Vétérinaires françaises peu avant la Révolution, en raison de la carence des autorités traditionnelles et de leur incapacité à établir une méthode de lutte efficace et consensuelle.

Les bœufs gris sont désormais utilisés pacifiquement pour la fabrication du salami au paprika, en mélange avec le gras des porcs laineux, ci dessous.

Cliché personnel. Puszta hongroise, 2002

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