Analyse par René de Lespinasse et François Bonnardot, Paris, 1879
Le chapitre des Talemeliers est, avec les titres des Tisserands et des Fripiers
celui qui, dans les Registres des métiers, offre le plus de développements.
Il touche à presque tous les points de la réglementation des communautés
ouvrières, tandis que, dans les paragraphes affectés aux autres
métiers, les rédacteurs paraissent s'être bornés
à l'indication de quelques usages.
Le Registre se compose de soixante et un articles. Il commence par établir
la condition des Talemeliers. Ceux qui habitent la terre du Roi doivent acheter
le " métier ", c'est-à-dire payer une certaine somme
pour obtenir l'autorisation d'ouvrir une boulangerie. Ceux qui demeuraient sur
les terres seigneuriales se trouvaient dans une situation à part.
Les habitants de Paris n'étaient pas, comme aujourd'hui, soumis à
une seule et même autorité. Chacun était régi par
les lois du seigneur de son quartier. Les abbayes qui ont formé les bourgs
Saint-Germain, Saint-Marcel, Sainte-Geneviève, le bourg l'Abbé,
la ville l'Evêque, etc., constituaient autant de petites principautés
enclavées dans le territoire royal. L'Evêque de Paris, par exemple,
maître presque absolu de la Cité et d'une partie des bords de la
Seine, ressemblait à un souverain entouré de ses sujets. Les Talemeliers
établis sur ces terres ne participaient ni aux charges ni aux avantages
de l'administration royale ; mais ils étaient libres de s'y conformer,
sur leur simple déclaration. Nous n'insisterons pas sur les circonscriptions
des terres ecclésiastiques; leur étendue a beaucoup varié
par suite de donations successives. Les droits établis sur le commerce
de la boulangerie étaient compris sous le nom de : Hauban, Tonlieu, Coutume.
La redevance annuelle du hauban se payait le 11 novembre. Avant Philippe
Auguste, chaque Talemelier devait donner un muid de vin, ou la valeur de ce
muid; mais, des difficultés s'étant élevées avec
les Echansons royaux chargés de percevoir le droit, une ordonnance du
Roi fixa le taux annuel de cet impôt à six sous.
Le hauban supprimait les complications de l'impôt dû pour l'achat
des farines, pour l'achat et la vente des porcs et autres animaux que les Talemeliers
nourrissaient avec leurs résidus; il donnait droit au partage des marchandises
entre Talemeliers, lorsqu'ils assistaient à la conclusion d'un marché.
Le tonlieu, ou impôt de vente, se payait par semaine, en deux parties
: chaque Talemelier donnait les mercredis un pain de moyenne grosseur, appelé
demie de pain, et le samedi, un denier. Toutefois, s'il n'y avait pas de pain
à sa fenêtre, ou dans son four, le Talemelier ne devait ni pain
ni argent. Les statuts ajoutentpour bien établir les conditions de cet
impôt, que l'Evêque de Paris a, comme sur tous les revenus, sa tierce
semaine de perception, et que le Roi a cédé sa part à un
chevalier
La coutume était perçue en trois termes. Chaque Talemelier payait
à Noël 10 deniers; à Pâques, 22 deniers; à la
Saint-Jean, 5 deniers et obole; en tout 37 deniers et une obole.
Il n'est parlé, dans les statuts, ni d'apprentis ni de temps d'apprentissage.
Nous ignorons pourquoi cette question a été négligée;
un métier aussi important que celui de la boulangerie ne pouvait faire
exception à la règle générale. Dans chaque boutique
il y avait un maître valet, appelé " joindre " ou "
jindre ", puis des aides ou valets, appelés vanneurs, bluteurs,
pétrisseurs.
Celui qui voulait passer Maître devait faire une sorte de stage de quatre
années, pendant lequel il payait 25 deniers de coutume en plus, à
Noël. A chaque payement, il se faisait marquer, sur son bâton, une
coche par l'officier receveur de la coutume; quand il avait ses quatre coches,
il était en règle, et l'on pouvait alors procéder à
son installation.(1)
Les statuts insistent sur la distinction entre les nouveaux et les vieux Talemeliers.
Ne reposait-elle que sur la légère différence d'impôts
payés par les uns et par les autres ? N'y avait-il pas là une
espèce d'apprentissage ? Le bâton à coches n'offrait-il
pas un emblème de la maîtrise, un signe quelconque d'autorité?
En tout cas, ce bâton, ou échantillon avait une grande importance,
car le Talemetier qui le perdait subissait une amende de 12 deniers.
(1)Le bâton jouait un grand rôle dans les cérémonies
des confréries ouvrières. Il servait d'abord à porter la
statue du saint patron, et finit par se transformer en une canne terminée
par une figure d'oiseau, un bec de corbin, etc. Chaque confrère le gardait
chez lui à tour de rôle, et le transmettait à te autre,
le jour de la fête du saint patron, au chant du Deposuit. On appela longtemps
cet usage faire le Deposuit. (Voyez Mercure de France, année 1733, page
1764, article de l'abbé Lebeuf.) Le bâton des nouveaux Talemeliers
n'était pas celui des confréries mais la cérémonie
avait quelque analogie
avec celle-là, en ce sens que le bâton était déposé
chez le Talemelier, et que le candidat le présentait, comme garantie
d'apprentisage, au moment de la réception.
D'autre part, il y a lieu de remarquer la relation qui existe entre le bâton
marqué de coches et l'objet appellé échantillon. Ni De
Lamare (t. II, p. 185), rappelant le texte du titre des Talemeliers, ni les
textes postérieurs à Elienne Boileau n'en parlent; il est difficile
d'éclaircir la question. Depping croit voir dans l'échantillon
une mesure légale, un étalon de poids ; en effet, ce mot vient
de cantus, cantillus, cantilio, qui signifie proprement un coin, un morceau
d'un objet quelconque servant de spécimen, et par extension une mesure.
Mais comment admettre qu'il y eût, pour les nouveaux Talemeliers seulement,
un poids ou une mesure, quand, dans aucun endroit de ce titre, on ne fait allusion
à un poids légal ? D'où serait venue cette différence
entre les nouveaux et les anciens Talemeliers, au sujet de la fabrication et
des dimensions, différence dont les intérêts du public auraient
souffert ? L'échantillon ne peut donc être ni une mesure, ni une
forme de pain. ni une recette pour la fabrication. En examinant le texte, depuis
l'article 12 jusqu'à l'article 20, on voit que les prescriptions relatives
aux nouveaux Talemeliers sont au nombre de trois : redevances spéciales,
nombre de coches indiquant les années de stage, cérémonie
de réception. Nous croyons donc être dans le vrai en donnant au
mot " échantillon " le sens de bâton entaillé
de quatre coches, que le nouveau Talemelier doit remettre à l'officier
de là Coutume, comme preuve de l'accomplissement de son temps de stage.
De nos jours. on emploie dans certains métiers le mot échantillon
pour désigner une pièce de bois entaillée. (Voy. Dict.
de Littré.)
La cérémonie de réception à la maîtrise est
décrite dans l'article XIII. Le nouveau Talemelier qu'il s'agissait de
recevoir se rendait à la maison du Maître des Taleimeliers, où
les gens du métier devaient se trouver présents. Ils attendaient
tous à la porte de la maison. Le récipiendaire présentait
au Maître un pot rempli de noix et son bâton marqué de quatre
coches, en disant : " Maître, j'ai fait mes quatre années
". L'officier de la coutume donnait son approbation; puis le Maître
rendait au nouveau Talemelier son pot et ses noix. Celui-ci les jetait contre
le mur de la maison et entrait, suivi de ses compagnons, dans une salle où
tous prenaient part au feu et au vin fourni par le Maître, au nom de la
communauté.
Cette cérémonie avait lieu chaque année le premier dimanche
de janvier. Les membres de la communauté ne pouvaient s'exempter d'y
assister qu'en envoyant un denier, pour les frais du repas. Faute de s'acquitter
de cette obligation, ils s'exposaient à être interdits pendant
quelques jours.
Les textes mentionnent trois formes de pain : le doubleau, qui se vendait deux
deniers; la demie, qui coûtait une obole, et la denrée, un denier
(1). Ces pains ne différaient entre eux que par la grosseur. On ne devait
trouver chez les Talemeliers, fournisseurs de la classe ouvrière, qu'une
seule espèce de pain; ou, s'ils en faisaient d'autres, ces pains étaient
considérés comme pains de fantaisie et par conséquent exempts
de taxe.(2)
(1) L'unité type de pain était la denrée, ou pain d'un denier: d'où l'on fit le mot doubleau pour celui de deux deniers, et demie pour celui d'une obole. Il n'est fait aucune mention du poids, parce qu'on se basait, à ce sujet, sur le prix du blé qui faisait forcément varier la grosseur des pains. Le pain doubleau (art. 32 el 40) devait être vendu pour le prix de six deniers les trois; le pain appelé denrée devait être vendu six deniers les six (art. 35). Quant au pain d'une obole, il suffira de rapprocher entre eux plusieurs textes pour montrer que c'est bien la demie. Il est dit (art. 1l) que les Talemeliers doivent chaque semaine trois demies de pain ; l'article 17, insistant sur cette redevance, dit : une demie le mercredi et une denrée le samedi ; et l'article 20 : une demie le mercredi et un denier le samedi. Le denier étant égal à deux oboles et à deux demies de pain. cette demie devait avoir la valeur d'une obole. En outre, la chose est écrite en toutes lettres à l'article 52, où les Talemeliers, faisant la récapitulation de leurs impôts, disent que chaque semaine ils doivent trois oboles de pain de tonlieu. c'est-à-dire trois pains d'une obole, ou trois demies, comme ils l'ont dit à l'article 11.
(2) On les appelait gâteaux et échaudés ; ils étaient
destinés à être offerts, en don ou en redevance, aux églises
ou aux différents officiers des seigneurs. Le Wastelier, ou Gastelier,
était le fabricant de gâteaux (wastels); la redevance portait le
nom de gastellerie(voy. Ducange). Ces pains, en général plus gros
que les autres, devaient être aussi plus soignés et plus délicats.
Les échaudés étaient, au contraire, plus petits que les
pains ordinaires. Le jour des Morts, les Talemeliers cuisaient, par exception,
des échaudés pour être donnés aux pauvres (art. a8).
Ce devait être alors un pain assez négligé, peut-être
du pain écbaudé, comme celui dont parle l'article 53, quelque
chose d'analogue à notre biscuit.
Dans la seconde partie du livre d'Étienne Boileau, qui traite des impôts,
il est dit que les receveurs du péage du Petit-Pont et le Prévôt
de Paris ont, à la fête de Sainte-Geneviève et de Saint-Vincent,
douze setiers de vin, douze échaudés, deux sous et deux petits
échaudés pour essayer le vin, c'est-à-dire pour goûter,
à trois reprises, le vin qu'on faisait passer pour la consommation du
couvent de Sainte-Geneviève. (Tit. II, art 42 et 43.) Dans une charte
de 1202, l'Evèque de Paris promet à ce même couvent que
le chapitre de Notre-Dame lui donnera, entre autres choses, des pains appelés
échaudés, panes qui eschaudati dicuntur, et oblatas. . . (Cart.
de N. D., tI, p. 92). Évidemment ces dons devaient être un pain
de fantaisie, une sorte de friandise (comme les oublies, oblatas). Le nom d'échaudé
s'appliquait peut-étre à deux pâtes différentes,
comme aujourd'hui le biscuit de mer et le biscuit à la cuiller.
Le prix des pains était toujours fixe; on vérifiait simplement
la cuisson et la grosseur des pains, sans taxer le prix d'après le poids,
comme on le fait aujourd'hui.
Ainsi, selon que le blé était plus ou moins cher, les jurés
décidaient qu'il y avait lieu de diminuer ou d'augmenter la grosseur
des pains.
Le grand pain, ou doubleau, se vendait par trois; le pain simple, ou denrée,
s'achetait à la douzaine, ou à la demi-douzaine. Le Talemelier
faisait remise d'une obole sur six pains, d'un denier sur douze, ou, ce qui
revient au même, il donnait un treizième pain pour la douzaine.
Le pain vendu en boutique était rigoureusement taxé et vérifié.
Les jours de marché, on le vendait plus librement, pourvu toutefois que
ce ne fût point au dessus de deux deniers le pain doubleau. On l'appelait,
pour cette raison, pain de " pote " (1), c'est-à-dire vendu
de gré à gré.
Pour ne pas être confondus avec les marchands forains qui approvisionnaient
la ville, les dimanches, les Talemeliers de Paris avaient établi leurs
étaux près du cimetière des Innocents, dans une halle particulière.
Les dimanches, ils avaient encore un autre marché ouvert entre le parvis
Notre-Dame et l'église Saint-Christophe, où ils vendaient leur
pain de rebut, tel que le pain rongé par les rats, durci, brûlé,
trop levé, compacte ou trop petit. La vente dans les marchés,
les jours de dimanche, s'explique par la défense de cuire les jours de
fête, en exécution des règlements sur le chômage.
Cette interdiction, imposée à tous les gens de métier,
s'observait scrupuleusement, même chez les Talemeliers, malgré
les inconvénients graves qui pouvaient en résulter. On verra,
à l'article XXIII et suivants, la nomenclature des fêtes, qui s'élèvent,
avec les dimanches, à environ quatre-vingts. Quand on pense que, pendant
près de quatre-vingts jours, il était interdit de cuire, il est
permis de se demander comment une ville aussi grande que Paris pouvait subvenir
à son approvisionnement.
(1) Pain de pote. Pote, du latin potestas, pouvoir, faculté, est employé ici pour désigner le pain que les Talemeliers pouvaient vendre au prix qui leur convenait. On disait un homme de poeste, poste,pote, pour désigner un individu de condition servile, sur lequel s'exerçait le pouvoir d'un seigneur. De Lamare (t. Il, p. 188) appelle les boulangers qui pouvaient vendre ce pain de pote " boulangers de gros pain," par opposition à ceux qui vendaient dans leurs boutiques, qu'il appelle " boulangers de petit pain ". Cette opinion, tout à fait fausse, au moins pour le XIII siècle, est le résultat d'une mauvaise lecture. Dans cet article, l'auteur du Traité de la police a lu à la manière arabe le nombre écrit à la romaine, ce qui, au lieu de deux deniers, lui a donné onze deniers. De là son hypothèse sur le petit pain vendu en boutique pour une obole, un denier, deux deniers, et le gros pain vendu le samedi au marché, pour le prix de onze deniers. Celte opinion erronée se réfute d'elle-même; un pain de deux deniers devait peser environ huit livres; de quelle grosseur et de quel poids aurait été le pain de onze deniers?
Les règlements relatifs à la police du métier sont exposés
avec le plus grand soin. Le métier des Talemeliers appartenait au Grand
Panetier du Roi qui nommait un Maître, chargé spécialement
de l'administration, et douze Jurés choisis parmi les maîtres les
plus honnêtes et les plus instruits. Ces hommes prêtaient serment,
sur les Evangiles, de juger consciencieusement le pain, sans épargner
leurs parents ou amis, sans condamner à tort, par haine ou par malveillance.
C'est de ce serment que leur vient le nom de jurés. Les textes les appellent
souvent gardes des métiers. En toute circonstance, les Jurés représentaient
la communauté Leur principale fonction était d'accompagner le
Maître des Talemeliers dans la visite du pain. Quand celui-ci faisait
sa tournée, ce qui avait lieu une fois la semaine, il prenait quatre
Jurés au moins et un sergent du Châtelet; puis il s'en allait par
la ville, s'arrêtant aux fenêtres et examinant les pains qui s'y
trouvaient. Quand le pain paraissait bien fait et de bonne mesure, on passait
outre; quand il semblait trop petit, les Jurés tenaient conseil et prononçaient
l'amende, s'il y avait lieu. Lorsque, dans une fournée, les pains jugés
trop petits étaient plus nombreux, on saisissait toute cette fournée
qui était " donnée à Dieu " c'est-à-dire
aux pauvres. Si quelques pains seulement étaient trop petits, on faisait
promettre au maître de ne les vendre qu'au marché, comme pain de
rebut. La saisie du pain avait encore lieu dans le cas de vente au-dessus ou
au-dessous du prix réglementaire, ce qu'on appelait pain meschevé
(1).
(1) PAIN MESCHEVE (tit. I, art. 40). - C'est le pain vendu à un taux
illégal, soit plus cher, soit moins cher, ainsi que l'annonce l'article
40, en disant que le pain meschevé est celui dont on vend les trois pains
doubleaux ou plus de six deniers, ou moins de cinq deniers et demi. Comme les
Talemeliers devaient toujours tendre à baisser leurs prix, pour se faire
une clientèle au détriment de leurs voisins, il s'ensuivait que
le pain meschevé était en général du pain vendu
moins cher qu'il n'aurait dû l'être. Meschever le pain c'était,
pour ainsi dire, l'avilir, le discréditer, en le vendant au-dessous de
son prix. A la fin de l'article, il est fait exception à la saisie du
pain meschevé, les jours de samedi, parce que, ces jours-là, ainsi
qu'on le voit dans l'article 45, les Talemeliers pouvaient vendre leur pain
aux halles à tout prix, pourvu qu'il ne fût pas plus élevé
que le taux légal de deux deniers pour le pain doubleau. Le sens que
nous venons de donner au mot meschevé est encore plus clairement développé
dans un texte de règlement pour les Boulangers de la ville de Provins,
donné en 1369 : "
Nous ordenons et avons ordonné et
voulons que des pains que l'on aura tournez pour deux deniers, que l'on n'en
puisse faire nul autre meschief, fors que de donner les trezains (le treizième)
c'est assavoir treize pour deux soubz.. " (Ordonn. , t. IV, p. 534.) Faire
un meschief, c'est bien, d'après ce texte, commettre une fraude qui consiste
à donner pour le prix réglementaire un plus grand nombre de pains
que le nombre fixé.
.
Le chapitre des amendes a son importance. L'amende pour infraction aux chômages
des fêtes s'élevait à six deniers, plus la saisie de toute
la fournée, que l'on évaluait à deux sous.Le nouveau Talemelier
qui perdait son bâton, ou échantillon dans le courant de ses quatre
premières années, devait une amende de ,douze deniers, ou un chapon
et celui qui négligeait d'envoyer son denier, pour le jour de réception
à la maîtrise pouvait être interdit. Les autres amendes portaient
sur les délits de justice, tels que plaintes, réclamations, coups
et batailles, dont connaissait le Maître des Talemeliers, comme ayant
juridiction sur les gens du métier.
Les autres cas plus graves étaient du ressort du Prévôt
de Paris. Pour tout individu reconnu coupable, qu'il fût absent ou présent,
qu'il fît des aveux ou non, l'amende était fixée à
six deniers. Celui qui refusait de payer se voyait interdire le métier,
et, si cette rigueur ne suffisait pas, le Maître le faisait traduire devant
le Prévôt de Paris. Si l'interdiction tombait sur un valet, les
maîtres qui l'employaient étaient condamnés à l'amende,
à l'interdiction et à la saisie de leur fournée.
Le Maître devait rendre l'exercice du métier au coupable, après
payement de l'indemnité et de l'amende. Si le Maître n'y consentait
pas, pour cause d'injure à lui faite dans le cours du jugement, ou d'outrage
aux Jurés dans l'exercice de leurs fonctions, le coupable cherchait des
cautions, ou même s'adressait à l'assemblée des Jurés
pour obtenir satisfaction. L'affaire se tranchait alors dans une réunion
solennelle, en présence du Grand Panetier, suivant les us et coutumes
de la communauté.
Nous avons dit plus haut que les Talemeliers payant les impôts du Roi
avaient seuls le droit de vendre le pain en boutique durant la semaine. Les
boulangers des environs de Paris ne pouvaient vendre leur pain qu'aux jours
de marché. Ce règlement, établi par Philippe-Auguste, avait
été violé sous la minorité de saint Louis ; les
boulangers de Corbeil avaient loué des greniers en place de Grève,
et vendaient leur pain durant la semaine. Ceux de Paris réclamèrent
et firent cesser cet abus; ils enregistrèrent ce point dans les statuts
et ordonnèrent la saisie du pain toutes les fois que ce fait se présenterait,
excepté dans les cas de disette, de grandes gelées ou d'inondations,
qui ne leur permettraient pas de suffire à l'approvisionnement de la
ville.
Les derniers articles ont trait au droit de partage. Le Talemelier qui payait
le hauban pouvait intervenir dans un marché conclu avec un autre et retenir,
au même prix, la moitié de la marchandise. L'habitant de Paris
non commerçant avait seul le droit de réclamer le partage, mais
uniquement pour les besoins de sa consommation.
Le tranchoir est un morceau de pain rassis tenant lieu d'assiette. Il se gorgera des sauces et sera ensuite généreusement distribué aux pauvres ou aux chiens.
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