"Le Cochon est naturellement fort gourmand & fort sale, & il se plait beaucoup dans la boue : il s'accommode de tout pour sa nourriture ; cependant le gland est celle qu'il aime le mieux.

Quoique ces animaux soient sales, ils ont besoin d'être tenus proprement ; ainsi il faut nettoyer de tems en tems leur petite étable, & leur tenir de la paille fraîche, & une bonne litiere. Cette propreté contribue beaucoup à les faire devenir gras & forts. Quand on en a quelques-uns, le garçon qui en est chargé, & qu'on appelle Porcher, doit les mener aux champs dès le matin ; il en peut conduire jusqu'à cinquante. Si on est dans le voisinage des bois, on doit y mener paître les Cochons en automne : rien ne les engraisse mieux que les glands, les faines & les châtaignes : on doit faire provision des ces fruits pour l'hiver : on peut les faire paître encore dans les terres fangeuses & limoneuses, & dans les endroits où il y a des arbres qui portent des fruits sauvages. Dans l'arriere saison, on les nourrit aussi de ceux que les vents ont abbatus, de ceux qui sont pourris, de choux, raves, navets, & autres herbes & légumes ; des lavures d'écuelles, de son dans un peu d'eau tiede ; quand la pâture est rare, on leur donne du grain, ils en sont bien meilleurs. On peut les mener paître toute l'année, excepté dans le mauvais tems ; & en été, deux fois le jour. On doit avoir soin de les faire boire, car la soif les amaigrit.

 

Très riches heures du duc de Berry : glandée en Novembrre.

 

A l'égard de la maniere de les élever ; trois semaines après qu'ils sont nés, on les mene aux champs, & on leur donne soir & matin de l'eau blanchie avec du son ; au bout de deux mois, qui est le tems où on les sevre, on choisit ceux qu'on veut garder ; ce doit être les mâles, parcequ'ils sont meilleurs à nourrir : on conserve seulement une femelle sur quatre, & on vend le reste.
Lorsqu'on les a sevrés, on doit leur donner soir & matin du petit lait mêlé avec du son, ou des lavures de vaisselle, avec des fruits pourris, ou de grosses raves & navets hachés : dès le mois d'Avril on les envoie aux champs. On doit les châtrer à six mois : le meilleur tems pour cela est le printems ou l'automne : on le fait par une simple incision, comme aux agneaux ; ensuite on les engraisse, pour les tuer ou les vendre. La maniere la moins couteuse de les engraisser, est de les envoyer dans les bois, y paître le gland, quand il tombe par la grande mâturité, & que les châtaignes quittent leur enveloppe : leur donner à boire de l'eau tiede, mêlée d'un peu de farine d'ivraie : au bout d'un an, ils sont suffisamment gros & gras. Mais si on n'est pas à portée des bois, on les engraisse en leur donnant des choux bouillis, ou des raves où l'on a mêlé du petit lait : huit jours après on les enferme dans leur toît, on leur donne soir & matin de l'eau, où l'on a fait bouillir du son un peu épais, ou du petit lait ; lorsqu'il est réfroidi, on y mêle un picotin d'orge bouilli : huit autres jours après, du son bouilli bien épais.
Les Cochons ainsi nourris deviennent très gros & très gras au bout de deux mois. Au reste, ceux qui sont nourris de grain pur, ou de son avec du petit lait, sont d'une meilleure porchaison que ceux qui sont nourris de glands. "

Dictionnaire d'agronomie, 1760. Les techniques agricoles et en particulier l'élevage n'ont guère changé du Moyen Age au XVIIème siècle.